Added Jun 25, 2019
Lorsque dans l'herbe mûre aucun épi ne bouge,
Qu'à l'ardeur des rayons crépite le froment,
Que le coquelicot tombe languissamment
Sous le faible fardeau de sa corolle rouge,
Tous les oiseaux de l'air ont fait taire leurs chants ;
Les ramiers paresseux, au plus noir des ramures ,
Somnolents, dans les bois, ont cessé leurs murmures,
Loin du soleil muet incendiant les champs.
Dans les blés, cependant, d'intrépides cigales
Jetant leurs mille bruits, fanfare de l'été,
Ont frénétiquement et sans trêve agité
Leurs ailes sur l'airain de leurs folles cymbales.
Frémissantes, debout sur les longs épis d'or,
Virtuoses qui vont s'éteindre avant l'automne,
Elles poussent au ciel leur hymne monotone
Qui dans l'ombre des nuits retentissait encor.
Et rien n'arrête leurs cris intarissables ;
Quand on les chassera de l'avoine et des blés,
Elles émigreront sur les buissons brûlés
Qui se meurent de soif dans les déserts de sable.
Sur l'arbuste effeuillé, sur les chardons flétris
Qui laissent s'envoler leur blanche chevelure,
On reverra l'insecte à la forte encolure,
Plein d'ivresse, toujours s'exalter dans ses cris ;
Jusqu'à ce qu'ouvrant l'aile en lambeaux arrachée,
Exaspéré, brûlant d'un feu toujours plus pur,
Son œil de bronze fixe et tendu vers l'azur,
Il expire en chantant sur la tige séchée.
Jules Breton, Les Champs et la mer, 1875
Poème lu par Estelle Delort de la troupe Du Bruit sur les planches lors de mon exposition Vol à dos d'abeille en mai 2019.